Fusillade en Nouvelle-Écosse : une nouvelle vague de souffrance
Le 20 avril 2020
C’était le matin du 19 avril. J’ai une relation d’amour-haine avec le 19 avril. Pour moi, c’est la date du décès de mon fils. Il y a de cela 12 ans. Cette année, j’ai ressenti un poids sur le cœur encore plus lourd et cruel. Cette pandémie mondiale a exigé de moi tous mes mécanismes d’adaptation, et maintenant les capacités d’adaptation limitées que je possède sont insuffisantes pour gérer mon propre chagrin.
Dans le dernier mois, l’état d’urgence dû à la COVID-19 en Nouvelle-Écosse a provoqué des pertes par vagues successives. La perte de certitude, la perte de normalité, la perte de sécurité, la perte de communauté et la perte de liberté. Avec chaque vague, nous avons tous essayé de notre mieux d’absorber les changements brusques. La fermeture des écoles – absorbée. La fermeture des églises – absorbée. La perte d’emploi – absorbée. J’ai l’impression d’avoir beaucoup absorbé tout en ayant un réservoir vide de capacités d’adaptation.
Dans le dernier mois, l’état d’urgence dû à la COVID-19 en Nouvelle-Écosse a provoqué des pertes par vagues successives. La perte de certitude, la perte de normalité, la perte de sécurité, la perte de communauté et la perte de liberté… J’ai l’impression d’avoir beaucoup absorbé tout en ayant un réservoir vide de capacités d’adaptation.
Puis est survenu le 19 avril. Je me suis réveillée ce dimanche matin-là avec mon fil de nouvelles des réseaux sociaux rempli d’avertissements selon lesquels nous devions sécuriser nos maisons, nous réfugier dans notre sous-sol, et ne pas ouvrir notre porte à une personne portant un uniforme de la GRC.
Un uniforme de la GRC? Que se passe-t-il? Comment obtient-on un uniforme de la GRC? Conduisant un véhicule qui ressemble à ceux de la GRC?
Je suis ensuite tombée dans le trou de Twitter, lisant un commentaire après l’autre rempli de spéculations et de crainte.
Un suspect armé et dangereux, possiblement déguisé en agent de la GRC, était en fuite et des vies étaient à risque. Toute la matinée, nous avons anxieusement suivi l’emplacement de chaque mise à jour, en calculant la distance entre le danger et notre communauté. À la fin de ce dimanche-là, au moins 14 vies étaient perdues (y compris celle d’une agente de la GRC en service), avec la possibilité qu’il y en ait encore d’autres.
Ma province était maintenant le lieu de l’une des tueries les plus meurtrières de l’histoire du Canada.
Il y a beaucoup de mal et de brisure dans notre monde. Dans notre nation. Dans notre province. Dans nos communautés.
Quelle réalité immensément douloureuse!
Non seulement nous essayons de réconforter les familles ayant perdu des proches à la COVID-19, mais maintenant nous pleurons avec des communautés ayant perdu des proches à ce carnage violent. Ce qui semblait déjà être une saturation est devenu la peur de se noyer. Tout comme les vagues de l’océan qui déferlent sur nos rives atlantiques pendant un ouragan, nous avons été durement frappés.
Alors que j’étais assise sur le bord de mon lit ce dimanche soir-là, j’ai réalisé que le 19 avril est désormais un jour de deuil collectif, non seulement de deuil personnel pour ma famille. Nous faisons le deuil de mon fils, et maintenant notre province fait le deuil de nombreux autres fils, filles, mères, pères et amis. C’est un jour traumatisant qui ramènera toujours des souvenirs. Un jour qui pèsera plus lourd qu’avant pour de nombreuses personnes.
Si j’ai commencé le dimanche avec des capacités fragiles, je l’ai terminé avec un engourdissement. C’était trop. Trop de douleur, trop de pertes, trop de souffrances.
Je me suis souvenue de la perte et de la lamentation du Psaume 13 :
Jusqu’à quand, Éternel, m’oublieras-tu sans cesse?
Jusqu’à quand me cacheras-tu ton visage?
Jusqu’à quand aurai-je des soucis dans mon âme,
et chaque jour des chagrins dans mon cœur?
Jusqu’à quand mon ennemi s’attaquera-t-il à moi?
Regarde, réponds-moi, Éternel, mon Dieu!
Donne la lumière à mes yeux,
afin que je ne m’endorme pas du sommeil de la mort!
En effet, mon ennemi pourrait dire : « Je l’ai vaincu »,
et mes adversaires se réjouir en me voyant ébranlé.
Moi, j’ai confiance en ta bonté,
j’ai de la joie dans le cœur à cause de ton salut.
Je veux chanter en l’honneur de l’Éternel, car il m’a fait du bien.
Jusqu’à quand les souffrances et les pertes se poursuivront-elles? Pourquoi le mal doit-il détruire autant de vies? Encore combien de souffrances pourrons-nous endurer ensemble?
Nous avons désespérément besoin de réconfort, d’espoir et d’yeux pour voir la bonté de Dieu. C’est avec un cœur déchiré par le vent que je crois avec confiance que Dieu peut fournir ces choses et qu’il le fera.
Nous avons désespérément besoin de réconfort, d’espoir et d’yeux pour voir la bonté de Dieu. C’est avec un cœur déchiré par le vent que je crois avec confiance que Dieu peut fournir ces choses et qu’il le fera.
Ma prière cette nuit-là était que l’Esprit de Dieu agisse puissamment. Pour apporter un réconfort et un accompagnement profond à tous ceux qui pleuraient. Pour révéler sa grâce et sa miséricorde au milieu de la douleur et de la souffrance. Pour racheter et restaurer la brisure.
La nuit est sombre, la douleur est réelle et la souffrance fait mal. Dieu est avec toi, il te voit, et il t’aime.
Écrit par Deb.
Cet article fut publié antérieurement sur p2c.com/students. Traduit par Rachel Touchette. Utilisé avec permission. © Convergence Quebec 2020.

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