Hier, j’ai eu une conversation qui n’aurait pas dû avoir lieu. Il est catholique, je suis protestant. Je suis vacciné, il ne l’est pas. Pourtant, nous aimons tous deux Jésus, et cela nous unit. Malgré nos différences, nous avons trouvé cause commune dans notre désir d’aimer notre prochain comme nous-mêmes.
Il me racontait comment il s’est fait traiter de toutes sortes de noms par des chrétiens qui considèrent son statut de non-vacciné comme une attaque personnelle. Il m’a aussi dit comment d’autres chrétiens l’ont invité à les rejoindre pour prier entre non-vaccinés « parce qu’on va se comprendre ». Rejeté de la communion d’un côté et invité à une pratique chrétienne exclusive de l’autre, son coeur était fendu en deux. C’est alors qu’il me dit: « Je ne veux pas qu’on se rassemble juste entre non-vaccinés. Et même si je me fais vacciner je vais rester avec ceux dehors. J’aime mieux mourir de COVID-19 que de perdre l’essence de ma vie chrétienne. »
La société est divisée, l’Église est divisée. Les obstacles à la solidarité sont les mêmes dans toutes les expressions de la collectivité. Notre individualisme nous pousse à nous définir envers et contre les autres plutôt qu’avec et à travers les autres.
Les leaders mondiaux et les pontificateurs des réseaux sociaux s’enracinent dans une perspective ou l’autre par pur désespoir. Qu’est-ce qui motive ces réactions? Est-ce la crainte? La crainte de devoir accepter ce qu’ils ne peuvent ni contrôler ni prévoir?
La société et l’Église confrontent les mêmes défis, mais nos ressources ne sont pas les mêmes. Malheureusement, nous faisons comme si c’était le cas. Il existe des dizaines de milliers de regroupements chrétiens, car nous croyons que l’accord correspond à l’unité. C’est faux. L’unité requiert la diversité. Sans nos différences, qu’y a-t-il à unir? Et plus nous exprimons clairement nos différences, plus l’union a la possibilité d’être forte. Le monde matériel confirme le principe: une surface rugueuse améliore l’adhésion et les opposés magnétiques s’attirent.
Le bien commun serait simple à réaliser si nous étions d’accord sur la nature du bien et sur les moyens d’y parvenir. Les philosophies fondatrices des sociétés sont étirées au point que les failles du libéralisme et du socialisme sont de plus en plus apparentes. La grande influence « unificatrice » de ces deux groupes, la science, est quant à elle bien appréciée (comme il se doit), mais elle est néanmoins incapable de nous épargner la souffrance ou de répondre à nos questions comme nous l’aurions souhaité.
Les leaders mondiaux et les pontificateurs des réseaux sociaux s’enracinent dans une perspective ou l’autre par pur désespoir. À mesure qu’ils se polarisent, ils accusent et veulent même criminaliser ceux qui ne partagent pas leur point de vue. Qu’est-ce qui motive ces réactions? Est-ce simplement la crainte? La crainte de la maladie, de la mort, de la perte de confort? La crainte de devoir accepter ce qu’ils ne peuvent ni contrôler ni prévoir?
Les chrétiens sont humains, donc sujets aux mêmes craintes, désirs et réactions que n’importe qui. Par contre, la foi chrétienne change la donne par rapport à toutes ces choses. Elle ne peut faire autrement, car depuis la venue de Jésus-Christ, l’équation nous permettant de comprendre le monde a complètement changé. L’auto-préservation n’est plus l’objectif principal de la vie.
En tant que chrétien, je suis appelé à suivre le Christ dans son amour et son don de lui-même. Ne pas le faire, c’est de nier l’essence de ma foi; c’est de nier le Christ que je rencontre dans l’autre.
Avant de conclure, permettez-moi de déclarer ma position. Mon épouse et moi sommes tiercement vacciné et nos trois garçons ont reçu leurs deux doses. Nous croyons que les avantages dépassent les risques et qu’il s’agit d’une façon d’aimer notre prochain, en particulier les plus vulnérables de la société. J’encourage donc chacun à se faire vacciner à moins de recevoir un avis médical contraire. Je reconnais qu’il peut exister d’autres bonnes raisons pour le refuser, des raisons qu’il faut peser dans la balance de l’amour pour soi et l’amour de l’autre. Mais je crois que chaque personne est responsable de prendre soin de son propre corps, de sa famille, et aussi de veiller au bien de son prochain. Je crois que toute personne qui priorise ses propres libertés aux dépens du bien de son prochain ne manifeste pas l’esprit de Jésus qui s’est donné pour nous. Je crois qu’un examen de conscience est requis.
Mais cela dit, je considère qu’il est de mon devoir de me faire solidaire de mes soeurs et frères humains qui, pour une raison ou une autre, refusent le vaccin. Je peux comprendre ceux qui, comme le gouvernement québécois, veulent forcer leurs voisins à prendre une action qu’ils considèrent comme « plus que raisonnable » à travers l’imposition de plus en plus resserrée du passeport vaccinal. Mais cela reflète une éthique fondée uniquement sur la science et les opinions politiques du jour. Peut-être s’agit-il d’une approche acceptable pour la SAQ et le Costco, mais pas pour le Corps de Christ. En tant que chrétien, je suis appelé à suivre le Christ dans son amour et son don de lui-même. Ne pas le faire, c’est de nier l’essence de ma foi; c’est de nier le Christ que je rencontre dans l’autre.
Que faire, alors? Tout d’abord, responsabilisez-vous personnellement comme membre à part entière de la collectivité. Autrement dit, prenez vos décisions en fonction de votre communauté, non seulement chrétienne, mais globale. Jésus a dit que toute la volonté de Dieu se fonde sur deux piliers: l’aimer lui et aimer notre prochain. Est-ce que votre « position » quant au vaccin prend en compte les autres?
Ensuite, enlevez les limites à votre amour et votre accueil. Je n’encourage pas l’insouciance ou de vous exposer expressément au danger, mais plutôt de chercher activement comment vous pouvez subvenir aux besoins spirituels, matériels et émotionnels des autres. La préservation de la vie des autres est une valeur chrétienne. La préservation de notre propre vie aux dépens de la vie des autres ne l’est pas. Il revient à chaque personne et communauté chrétienne de décider comment appliquer ces principes, mais voici un exemple que je trouve inspirant.
Nous n’allons jamais tous être d’accord, ni le faut-il pour qu’il y ait union dans l’Esprit. Cette union est essentielle à la vie chrétienne, non les valeurs et opinions auxquelles nous nous attachons. Que sommes-nous prêts à sacrifier?
Afin de respecter les lois de l’État et de permettre aux croyants vaccinés et non vaccinés de recevoir l’eucharistie, la cathédrale d’une région québécoise a installé un écran géant à l’extérieur de l’église pour transmettre la messe aux personnes réunies dans le stationnement. Au moment venu, les hosties consacrées ont été distribuées aux fenêtres des voitures par des bénévoles afin que personne ne soit exclu de la grâce que Dieu désire leur accorder. La question qu’il faut se poser: « Dans mon entourage et dans ma communauté, à quoi ressemble l’accueil radical du Christ. »
Sinon, que vous soyez pour ou contre le vaccin contre la COVID-19, j’encourage tout un chacun à signer l’une des pétitions qui circulent pour encourager le gouvernement du Québec à retirer l’imposition du passeport aux lieux de culte. L’objectif, du moins pour ma part, n’est pas d’opposer les autorités dans leurs efforts sanitaires, mais de leur demander de reconnaître l’impact d’une approche qui requiert la conformité sans reconnaître l’étendue des nuances qui influencent les choix des individus. Pour vous aider dans votre réflexion, vous pouvez lire ici la récente déclaration de la Table interreligieuse de concertation du Québec qui explique bien pourquoi les lieux de culte doivent maintenir leur portes ouvertes pour des fins pratiques autant que philosophiques. Que vous croyez bon de pétitionner contre le passeport ou simplement pour la réouverture des lieux de culte, il est temps de se montrer solidaire de son prochain et non de chercher à le détruire pour ses différences.
Nous n’allons jamais tous être d’accord, ni le faut-il pour qu’il y ait union dans l’Esprit. Cette union est essentielle à la vie chrétienne, non les valeurs et opinions auxquelles nous nous attachons. Que sommes-nous prêts à sacrifier?

Jeremy Favreau
Jeremy est le directeur de Convergence Québec. Il vit à Montréal avec son épouse Selene et leurs trois jeunes garçons.
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