Avant de pouvoir être vulnérable avec les autres, il faut être vulnérable avec soi-même
Être humain, c’est être vulnérable.¹ La vulnérabilité est une caractéristique importante des relations saines, un sujet important sur Convergence Québec (pour d’autres articles en lien avec ce sujet, voir S’entendre pour vrai et Montrer nos faiblesses). Mais avant de pouvoir être vulnérable avec les autres, il faut être vulnérable avec soi-même. Je m’explique.
Je me rappelle à l’université, lorsque j’étais dans un programme assez demandant en sciences, je regardais des étudiants qui étaient en couple et je déclarais ouvertement : « Mais, je ne sais pas comment ils font! Je réussis à peine à passer à travers mes études et mes cours! Jamais je ne serais capable d’être dans une relation amoureuse à l’université! » Je me disais que l’amour pouvait attendre la fin des études, quand la vie serait moins stressante.
Mais, était-ce vraiment ce que je pensais? Ou essayais-je simplement de cacher que j’étais triste que personne ne s’intéresse à moi, et que je n’avais même pas l’opportunité de prendre cette décision pour moi-même? Vous pouvez deviner la vraie réponse.
J’ai souvent rencontré des étudiants à l’université qui, lorsqu’on leur pose les questions : « Crois-tu en Dieu? ou Qui est Jésus pour toi? » répondent sans hésiter : « Ah, je suis étudiant en ce moment, ce n’est pas le temps de penser à ça! Lorsque j’aurai un travail et une famille, voilà quand ce sera le temps d’y réfléchir. » S’agirait-il aussi du déni d’un besoin intérieur? Un vide que nous essayons de combler dans le travail, l’humour, les partys, les voyages et les expériences? Et toi, es-tu vraiment honnête et vulnérable avec toi-même? Ou te caches-tu des choses que tu évites à tout prix, parce que la réalité te fait trop mal?
Et toi, es-tu vraiment honnête et vulnérable avec toi-même? Ou te caches-tu des choses que tu évites à tout prix, parce que la réalité te fait trop mal?
Le déni ne se trouve pas seulement dans le domaine des relations amoureuses ou du questionnement sur Dieu. J’ai longtemps refusé de faire face à la colère et à la tristesse que j’éprouvais en raison d’une douleur physique qui m’habitait. Je me disais : « Ah, ce n’est pas si pire. Untel l’a beaucoup plus difficile que moi. Ça va passer un jour. Il faut que je sois forte et que j’arrête d’y penser. » Cependant, comparer notre douleur (ou notre soi-disant absence de douleur) à celle de quelqu’un d’autre est l’une des pires choses que nous puissions nous faire à nous-mêmes, parce que cela nous empêche de faire face à notre propre douleur.
Nous pouvons refouler des doutes, des craintes, des attentes, des désirs… en fait, nous pouvons presque tout refouler ou nier en prétendant qu’il y a quelque chose d’autre de plus important auquel nous devrions prêter attention. La plupart du temps, ces choses que nous nions sont pour nous des choses que nous avons peur de perdre : le contrôle, un certain mode de vie, une relation, un rêve, l’innocence, la liberté, etc. Nous ne sommes pas prêts à accepter ces pertes. Mais, vous savez, toute perte nécessite un deuil, et le deuil n’est pas l’ennemi. Le deuil est une réponse saine à n’importe quelle perte, pas seulement lorsqu’il s’agit d’un décès. C’est même un signe de vitalité et de guérison.²
Une des meilleures façons de vraiment faire face à un traumatisme, à un événement marquant ou à une perte, c’est à travers la conversation, les larmes et le temps. Au lieu d’essayer de nous en échapper ou de nous distraire provisoirement — ce qui enfonce nos expériences encore plus profondément en nous —, nous devons y faire face. Il faut parler de nos doutes, de nos peurs, de nos faiblesses, de nos questions existentielles au lieu de les nier. C’est correct de pleurer. C’est même très sain. Il faut aussi nous donner le temps d’aller au bout de nos émotions, même si ce n’est pas le temps idéal et même si ça prend plus de temps à gérer que prévu. Notre santé émotionnelle en vaut la peine.
Il faut aussi nous donner le temps d’aller au bout de nos émotions, même si ce n’est pas le temps idéal et même si cela prend plus de temps à gérer que prévu. Notre santé émotionnelle en vaut la peine.
Récemment, j’ai relu le livre des Lamentations dans la Bible. Ce livre fait entendre un peuple qui crie à Dieu, qui exprime sa tristesse, son deuil. Ce peuple ne reste pas silencieux devant Dieu, bien qu’il ne semble pas vouloir leur répondre. Mais il y a une raison derrière son silence. Le fait que Dieu ne parle pas dans le livre des Lamentations permet de faire entendre les voix des humains, qu’elles soient honorées et reconnues comme importantes.³ Si Dieu était intervenu, on aurait tout de suite oublié les plaintes des gens. Dieu veut nous montrer que nos émotions sont importantes pour lui, et que notre souffrance l’est aussi. Oui, il va nous répondre, oui, il va se prononcer. Mais comme pour le peuple d’Israël à ce moment-là, la parole est maintenant à nous.
Je vous encourage à écrire votre propre lamentation à Dieu, tel l’exemple du prophète Jérémie. Comme Kathryn Alarie l’a dit au congrès Convergence l’an passé : « Voulez-vous la santé (émotionnelle), ou l’apparence de la santé? »
Pour moi, la réponse est simple…
O Dieu,
Mon cœur et mon âme sont écrasés
Comme un vase en mille morceaux
Que j’essaie de ré-assembler, mais en vain
Je veux espérer en toi, que tu es bon et digne de confiance
Et pourtant je suis si brisée
Je ne peux pas avancer seule
J’ai besoin de toi
Aide-moi à faire le deuil, ô Dieu
Aide-moi à voir et à toucher à ma douleur
La douleur de la perte, des traumas et du mal
Je confesse que j’ignore depuis longtemps ces sentiments
Je m’évadais en me disant que tout allait s’arranger un jour
Mon cœur s’est endurci
Je suis devenue amère et en colère
Soigne doucement mon cœur ô Dieu
Tends à mes plaies
Pour proposer un article, une réflexion ou un sujet que vous voudriez nous voir explorer en lien avec la foi au service du bien commun, envoyez-vous un message à editeur@convergencequebec.com.
¹Thompson, Curt. The Soul of Shame: Retelling the Stories We Believe About Ourselves. IVP, 2015.
²Langberg, Diane. Suffering and the Heart of God. New Growth Press, 2015.
³O’Connor, Kathleen. Lamentations and the Tears of the World. Orbis, 2002.

Karina Moïn-Darbari
Karina est équipière avec Pouvoir de Changer – Étudiants à Montréal depuis 5 ans. Originaire de la métropole et ayant étudié à l’Université McGill, elle est très familière avec la réalité des étudiants et des jeunes adultes québécois. Karina est également la directrice des congrès Convergence.
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