La communauté se fait dans les moments accidentels de la vie, mais nous pouvons fausser le jeu.
Lorsque j’étais étudiant à l’Université de Waterloo, en Ontario, j’appartenais au regroupement de Pouvoir de Changer. Le groupe était axé sur la mission, et on avait une bonne dynamique de ministère; plusieurs activités se faisaient toutes les semaines où nous priions ensemble, où nous étudiions la Bible ensemble, où nous chantions ensemble… mais il manquait de cohésion sociale parmi nous. On ne se côtoyait pas beaucoup en dehors des activités organisées, et l’équipe de direction y a vu un problème. Je me suis mis à imaginer des solutions.
Il faut comprendre la culture de l’Université de Waterloo; c’est une école réputée pour le génie et l’informatique. L’efficacité et la productivité y sont rois, et le temps est une ressource à maximiser. Il y a même un style de marche qui est propre à ce campus, la Waterloo Walk : la tête baissée, les bras raides et ballants, une allure accélérée; tout ce qui importe, c’est arriver à sa destination le plus vite possible. Emprunter le chemin le plus rapide va de soi.
En plein centre du campus se trouve la Great Hall du pavillon de la vie étudiante. Cet énorme salon ouvert est muni de nombreux fauteuils et de portes extérieures aux quatre coins – Par conséquent, les étudiants hyper-efficaces de l’UW l’utilisent constamment comme raccourci pour se rendre en classe ou pour rentrer à la maison.
Alors j’ai eu une idée : dans mes moments libres, si j’avais du temps entre mes cours, ou si j’avais de la lecture (ou rien du tout!) à faire, je m’installais sur un divan dans la Great Hall. Je n’ai mentionné ma stratégie à personne, j’y suis tout simplement allé un lundi après-midi; un ami m’a vu et il s’est assis à côté de moi pour lire le journal étudiant. Un autre s’est joint à nous pour jaser.
Alors j’ai eu une idée : dans mes moments libres, si j’avais du temps entre mes cours, ou si j’avais de la lecture (ou rien du tout!) à faire, je m’installais sur un divan dans la Great Hall.
Mardi, j’ai fait la même chose. Jeudi j’y suis passé en chemin pour une classe, et j’y ai vu une petite gang de membres de P2C. J’ai continué à passer mes moments libres à la Great Hall, et après deux ou trois semaines, elle était devenue le hang-out habituel de l’asso – de même que pour nos amis et nos camarades de classe, qui voyaient un visage familier en passant. Au lieu de s’en servir comme raccourci, on a commencé à bifurquer pour y passer, même s’il y avait un chemin plus court, car on savait qu’il y aurait quelqu’un (ou une dizaine de quelques-uns) de P2C.
En même temps, on a appris à connaître d’autres étudiants qui y passaient leur temps – les réguliers de l’endroit, ceux qui travaillaient au comptoir d’information, même les membres des assos musulman et sikh qui se servaient de l’espace pour des présentations culturelles de temps en temps.
Ces rencontres se sont produites « par hasard », mais on a adopté, par exprès, un endroit où elles pourraient avoir lieu. Et c’est un peu comme ça que la communauté se bâtit : en organisant notre vie afin de faciliter les interactions inattendues.
Y a-t-il un lieu dans ton voisinage qui pourrait être propice aux rencontres inattendues? Où tu peux apprendre à connaître des inconnus, ou croiser des amis « accidentellement »? Un café du coin, une bibliothèque, un parc, un pavillon universitaire? Pour influencer ton voisinage, il faut être présent dans ton voisinage, et pour apprendre à connaître tes voisins, il n’y a rien de plus important que de les côtoyer régulièrement.
Ces rencontres se sont produites « par hasard », mais on a adopté, par exprès, un endroit où elles pourraient avoir lieu. Et c’est un peu comme ça que la communauté se bâtit : en organisant notre vie afin de faciliter les interactions inattendues.

Brad Stewart
Brad Stewart est équipier de Pouvoir de Changer - Étudiants dans la Capitale nationale où il dirige les initiatives du groupe avec son épouse Cassandra. Brad étudie la théologie à l’Université Laval où il explore entre autres la contextualisation et la nature de la communauté chrétienne. Il est aussi luthier dans ses temps libres.
Articles similaires
27 mai 2022
Le leadership en autobus
Nous avons besoin de voir la vie et le leadership comme un ensemble. Pas un chapeau que nous mettons et que nous enlevons une fois au travail ou dans notre vie personnelle. C’est un « tout » qui se construit en toutes circonstances.